Semaine de la différence

THOMAS LE MEUR Les élèves de 9ème année de l’école secondaire de Haute-Sorne de Bassecourt ont eu droit cette semaine à des cours très spéciaux, donnés par des professeurs hors du commun. Un aveugle, un sourdmuet, un transplanté, des paralysés : tous ont exposé leur handicap aux jeunes, dédramatisant ainsi l’infirmité. L’altérité, le fait d’être différent, sont alors mieux compris et acceptés par les jeunes. À la sortie des cours, une belle leçon de tolérance.
Dans le hall d’entrée de l’établissement, un tapis de mousse par terre. Oh, pas bien méchant, juste 10 cm de haut. 

Ce modeste obstacle, auquel un bijambiste n’accorderait pas une once d’attention, va devenir la pierre d’achoppement des collégiens de 14 ans, qui ont pour mission de le franchir… en chaise roulante.
Mais Hervé Brohon, 43 ans – rendu paraplégique par un accident de moto en 2001 – et Parvesh Courtet, 29 ans – qui lui a grandi dans un fauteuil roulant à cause de la poliomyélite – sont là pour dispenser leurs bons conseils : trouver son équilibre, donner la bonne impulsion dans les roues.
Tout d’un coup, aux yeux des élèves, les gestes du quotidien, comme ouvrir une porte ou passer un seuil, deviennent bien plus compliqués. Même marquer des points au handibasket, où le panier se trouve à hauteur normale, se révèle autrement plus ardu. Leur prof du jour, Sandra Frund, d’Alle, leur donnera quelques tuyaux.

En manque d’organe
Plus loin, un authentique champion parle aux écoliers. Ayant reçu un don de foie en 2007, Nicolas Buchwalder de Soulce, moissonne les médailles dans les championnats de transplantés. Ces breloques sonnent en un vibrant plaidoyer pour le don d’organes.
Derrière la porte d’une classe règne un silence absolu. C’est pourtant bien le seul cours où les élèves pourraient chahuter sans que leur prof ne les réprimande. Car Christophe Geiser est sourd profond depuis tout bébé, par la faute d’une méningite.

Habitant Lignières (NE), le quinquagénaire a pris sa voiture pour apprendre aux entendants comment communiquer avec les malentendants : tapoter l’épaule, se placer dans la lumière, articuler distinctement, ou mieux, parler la langue des signes. Muets de concentration, les élèves en gesticuleront les rudiments.

La vue, l’un des 20 sens
Dans une autre salle règne un calme absolu. C’est pourtant bien le seul cours où les élèves pourraient grimacer sans que leur prof ne les réprimande. Car Jérôme Corbat est aveugle. La seule distraction que se permettent les élèves, c’est de regarder son placide chien Watt quand il fait tinter ses clochettes.

Ou alors, ils contemplent fascinés le natel de l’aveugle, dont l’écran reste obstinément noir, mais capable de lui rendre mille et un services. Même celui de se connecter avec une vraie paire d’yeux s’il le faut.
«La vue est un sens surévalué, juge Jérôme Corbat. Quand on parle des cinq sens, on cite d’abord la vue. Mais il y a tous les autres, et bien plus que cinq ! Le sens de l’orientation, de l’équilibre, ou de l’entregent, par exemple.» Sans oublier le sens de l’humour, dont il est largement pourvu.

Le Quotidien Jurassien 16/03/2018